A franchement parler, j'y allais avec un enthousiasme pondéré d'une pointe de scepticisme. Babyshambles. Un groupe auréolé d'une légende sulfureuse, écrasé par l'aura vénéneuse de son leader disjoncté, Pete Doherty. Capable du pire, connu pour ses addictions, ses condamnations, sa liaison fatale avec Kate Moss... Pete à la Une des tabloïds, de la presse people, au même titre qu'une Lindsay Lohan, une Britney Spears, ou une Amy Winehouse. Côté déglingue, la Wino bat actuellement les records de dégradation physique, la Britney ceux des fusibles les plus cramés... On en oublierait les frasques passées de Doherty. Et pourtant, si le pékin se repait de la déchance des célébrités, en espérant toujours une vague réhabilitation, la combinaison artiste+jeunesse+auto-destruction fascine. L'attrait de l'abyme par procuration pour les uns, pas assez déjantés pour tenter l'expérience, trop conventionnels pour se mettre en danger... Ils peuvent alors fustiger l'affligeant spectacle d'une jeunesse occidentale à la dérive. Soyons zen, il ne s'agit que de sexe de drogue et de rock'n'roll. Le triptyque sacré chanté par Ian Dury... Sex and drugs and rock'n'roll are all my brain and body need... On en oublie parfois, dans l'hystérie people, qu'il y a parfois du talent et de réelles qualités de composition... Combien, dans la masse de ceux qui connaissent de nom Pete Doherty savent que derrière la façade de l'ex de Kate Moss se cache un songwriter doué? Un de ces surdoués qui certes s'est brûlé les ailes, mais en l'espace de 4 albums (deux sous l'étiquette Libertines, deux sous la marque Babyshambles) a fait la démonstration d'un style, d'une patte et d'une grande cohérence artistique.
Doherty fait parfois penser à Shane MacGowan, leader des Pogues. En mieux, physiquement parlant. De MacGowan, on ne retenait que l'alcolo pitoyable parfois incapable de tenir debout sur scène, en oubliant ses fines compositions, son écriture qui donna un vrai bain de jouvence à la musique traditionnelle irlandaise, dopée à l'énergie punk la plus brute!
21h15, lundi soir. Zenith plongé dans le noir total. Eclate une Marseillaise tonitruante bramée par la sarkophile Mireille Matthieu. Lumière. Pete a troqué son galurin pour le haut de forme. Il est ceint d'une écharpe tricolore. Clope au bec. Dans une salle devenue non-fumeur... Législation et "politiquement correct" exigent. La rébellion en 2008, c'est d'allumer une clope... A quoi bon se fracasser au crack? Doherty jette sa clope, entame le set. Pour une heure et quart de pur bonheur. Pas un temps mort. Il accorde sa guitare entre chaque morceaux, un peu obessionnel. Il allume une clope de plus. Boit un coup. Energie pure. Ballades. Un concert un peu foutraque, une pop très mélodique. On pense aux Clash, aux Kinks, à cette grande tradition créatrice que seule la perfide Albion, par on ne sait quel mystère, a pu laisser éclore... Des groupes d'exception, un tous les dix-quinze ans. Des excentriques, surdoués. Doherty, grand escogriffe, devenu l'inspirateur d'une vraie génération de groupes. Ecoutez les BB Brunes. Un décalque français. Copier/coller. Doherty s'arrête. Entame un dialogue avec le public. Fort accent. On ne comprend pas grand chose. On s'en fout. Il s'en fout. Un fan lui jette une banderole. Il la déplie. Pete Forever. Un gros coeur rouge. Il se marre et stocke l'étoffe à côté de la batterie... Plus tard, il plonge dans la foule. Est remonté sur scène, par les roadies qui veillent. A perdu ses bretelles? Le bassiste lui tend une ceinture... Pete ne perdra ni sa dignité, ni son froc... Enfin, le slim... ça ne tombe pas... lol Un fan saute sur la scène, l'enlace, tente de lui prendre son couvre-chef. La sécurité l'évacue, fermement. Pete ne se démonte pas. Toujours ce rock mélodique, cette guitare accordée très haut. La fosse est animée de vagues. Les téléphones, tenus à bout de bras, ont remplacé les briquets pendant les ballades. Le public est conquis à 300%. Un dernier Fuck Forever, un hymne. Fin du concert. Il est 22h30.
En coulisse, des jeunots, The Dodoz, ayant assuré la première partie, assistent, frénétiques à tout le set des Babyshambles. The Dodoz. Des toulousains talentueux et créatifs! Vocalement, une influence notable, Siouxsie. On a connu pire! Même type de voix, mêmes psalmodies. Une énergie alliant guitares saturées et sons volontairement discordants. Sur fond de rythmique plombée. Une recherche du son nouveau, d'un ton, d'une personnalité. Pas un simple clone de groupe anglo-saxon. Une énergie très punk. Un premier album très attendu. Un groupe à découvrir, icitte.
En cadeau, trouvé sur Dailymotion, l'ouverture du concert!!!!
Enjoy!