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LE VOLUME SUR 11 - Page 74

  • Une soirée avec ALGO

    C'est l'hiver. Il fait froid. Il fait noir. Le scoot fonce sur les quais. Direction est. Le trafic est dense. Bibilothèque François Mitterrand, un quartier neuf, plutôt blindé de monde, sortie des bureaux, fin de semaine. Ca c'est le décor. Garer le scoot, embarquer sur la Dame de Canton, prendre une pinte. Ambiance concert, ambiance intime, le lieu est exigu. 

    Orouni monte sur scène et déroule son set de chansons pop, guitar, basse, clavier, trompette. C'est élégant, c'est propre, c'est parfait pour chiller en fin de semaine. Le Président doit avoir fini de téléphone-sonner. So what? Qui s'intéresse à la politique. Reste la culture, pour échapper à la barbarie. Un peu de pop, onctueuse, pour se détendre, relaxer son cerveau. L'ambiance est familiale. C'est bon, un petit concert, en un petit lieu. Etre proche du groupe. Pas de grosses têtes d'affiches. Des gens qui aiment la musique, qui jouent pour d'autres gens qui aiment la musique, se retrouver entre potes, boire un coup. L'histoiiiiiiiiire de la viiiiiiie, le cycle éterneeeeeeeeel, etc. Bref, c'est cool. Bonne mise en condition. Orouni raconte des histoires de voyages, me dit-on à l'oreille. Une jonque, sur la Seine. Dépaysement.

    Pause

    ...

    ALGO, ils sont 6 sur scène. Ils font une élégante pop orchestrale, quelque chose dans l'esprit de Belle & Sebastian ou The Divne Comedy. Le genre de musique qui incite à se laisser aller. Qui s'écouterait presque assis voire allongé sur un énorme matelas de plumes, qui épouse la forme du corps, avec une perfusion de mojito, les yeux fermé dans un moment d'abandon absolu. Dans un confort absolu. Comme il se doit pour écouter de la belle musique, comme on se laisse embarquer pour un trip cosmique. Dehors, le foid. On l'oublie on se laisse bercer par les lignes mélodiques. La magie du son d'ALGO (au-delà de quelques soucis d'accordage, et de retour), c'est la combinaison entre alto, trombone, glockenspiel et guitare-basse-batterie. C'est l'orignalité. Même si Sylvain, le chanteur-compositeur s'excuse de faire en 2016 une pop des années 90. Est-elle datée cette pop? Impossible de se prononcer, la pop est intemporelle. Aérienne. Certes, l'amateur de shoegazing ou de hardcore ne s'y retrouvera pas, ses tympans ne vibreront pas, quoique... La force d'ALGO, c'est d'avoir réussi à concocter quelques mélodies qui s'immiscent dans les circonvolutions cérébrales, qui marquent, qui reviennent en mémoire bien après l'écoute de leur EP sorti en décembre dernier. Un petit bijou, The Misunderstanding, dont l'écoute est absolument recommandée. Alto, trombone, quelques notes de glockenspiel pour le côté aérien, léger. Une reprise musclée de Jonathan Richman, Give Paris one more chance. Excellente idée. Il revient quand à Paris, Jonathan? Un dernier morceau, Between her arms. Entre ses bras, c'est cool pour l'hiver, c'est adapté, c'est tentant. Les groupe pose les instruments, range la scène, débranche. Et se mèle au public pour un petit dernier a capella, guitares sèches, alto et trombone. Bonne vibe. Sympa. 

    Retour dans le froid de Paname. Les djeunz se pressent devant le Petit Bain voisin. 

    Pour écouter ALGO - The Misunderstanding

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  • Eagles of Death Metal, rock'n'roll et attitude

    Les Eagles of Death Metal ont fini leur concert parisien. La chose a été plus que médiatisée. L'Olympia est devenu hier soir plus qu'un lieu hype. Les psychologues se sont exprimés, on a vu fleurir dans des médias improbables des considérations sur la setlist du groupe. Quelques avis ont tranché ça et là, revenant sur les déclarations tonitruantes de Jesse Hughes à propos des flingues... Bref, comme d'habitude, il y a eu du sérieux, du moins sérieux et du n'importe quoi. J'adore le n'importe quoi. Surtout quand il s'agit de rock'n'roll. 

    In antiquis temporibus, le rock était chose maudite, le truc qui faisait peur aux parents, aux bourgeois, aux institutions. Et ceci était bon. Celui qui en écoutait le faisait d'abord par plaisir, et pour le plaisir de faire chier son prochain. Plaisir secondaire, mais néanmoins procurant une forme de jouissance. Don't criticize what you don't understand. Dylan avait raison. Vos mômes ne sont plus sous votre contrôle. Eclats de rire narquois des mômes. Les sales gosses ont gagné. Il y eût Tipper Gore dans les années 80, l'épouse de Al "une vérité qui dérange" Gore, en croisade contre les affreux métalleux sataniques. Je revois ces images de Frank Zappa en costard allant défendre la cause devant le Sénat américain... Jouissance. Le rock conservait sa dimension consubstantiellement hédonique. Le son à fond, hey ho, let's go. 

    Les mômes ont eu des mômes. Il y a eu passage, transmission générationnelle. On allait au concert en famille. On se réjouissait de voir ses enfants puiser dans la discothèque familiale pour remplir leur iPod de pépites issues du répertoire des Who, des Stranglers. Il y eut même ce glorieux moment personnel où l'une de mes filles de demanda de baisser le son alors que j'écoutais Suicidal Tendencies à un volume sonore forçant le respect, dans le but probablement inconscient d'emmerder mes voisins, comme je l'avais pratiqué pendant ma sage adolescence... Ecouter du rock avait quoi qu'il en soit, perdu son potentiel de nuisance. C'était devenu une affaire de goût personnel. De sale goût. Mais quelque part quelque chose de mainstream. PhilMan était juré de la Nouvelle Star, Ungemuth pigiste au Figaro...

    Mais revenons aux Eagles of Death Metal. Pas un groupe majeur jusqu'au 13 novembre. Un groupe qui entre dans l'Histoire de manière follement, tragiquement, atrocement contingente. Un groupe comme il y en a des dizaines aux Etats-Unis. Un groupe que j'avais vu à Rock en Seine en 2009, parce que porté par la complicité entre Jesse Hughes et Josh Homme. Cette année-là, j'avais laissé glisser le concert puissant et sympathique des EODM, et avais franchement joui quelques minutes plus tard en écoutant Them Crooked Vultures, Josh Homme, Dave Grohl, John Paul Jones. Comme j'étais en transe lors du concert des Queens of the Stone Age l'année suivante. Josh Homme, toujours. Il n'était pas à Paris le 13 novembre. Qu'importe. Il fait partie de ces hyperactifs de la cause rock'n'rollienne, toujours sur la brèche, toujours sur un projet. Ne se reposant pas sur les ventes colossales d'un seul album et faisant des breaks interminables le temps d'assurer le service après-vente. Il crée. Comme Ty Segall, mais aussi comme les grands des 70s. Comme Bowie, capable de sortir coup sur coup, sans plan marketing particulier un album majeur par an. Comme Picasso, créatif, touche à tout. Multi-instrumentiste, expérimentateur, apprenti-sorcier. D'EODM, j'avais retenu l'attitude toute en déconne de Jesse Hughes, parodiant les postures des stars du rock. Un côté volontairement Spinal Tap. Et une musique puissante. Pas follement originale, mais finalement conforme aux standards de base du rock, jouer fort, se donner à fond pour son public, suer, déconner, faire le show. 

    Aujourd'hui, EODM est entré dans la légende. Par la case attentat. Il y a eu des concerts tragiques, des morts dans des festivals. Mais jamais de tuerie de masse. On peut comprendre l'émotion, le trauma du type qui est sur scène dans une posture hédoniste, qui se prend la tragédie dans la gueule, qui voit son monde d'entertainment et de déconne inoffensive s'effondrer devant lui. Ce n'est pas rien. Qu'aurions-nous fait à sa place, hein? On se serait chiés dessus, on aurait flippé, on aurait pas joué les Rambo. Je suis prêt à le parier. Et ouais, Tuco, dans la vie, il y a deux type d'individus, ceux qui ont des Kalach et ceux qui creusent. Hélas. EODM est un groupe mineur et tragique. Fin de l'histoire. Un groupe de rock'n'roll, sans prétention particulière autre que le fun, le gros son. L'une des multiples facettes du rock, entre Bono (je vais à Davos causer avec les grands de ce monde de la planète qui va mal), et Chris Martin (je suis tellement transparent que je ne dis rien et le rock c'est un job comme un autre)... 

    Finalement, il est réjouissant que d'aucuns s'offusquent encore de déclarations à l'emporte-pièce sur Dieu, Donald Trump et les flingues. Il est réjouissant que certains s'étranglent à propos des gestes obscènes de Phil Anselmo. Dans un monde où tout est lissé, calculé, où chaque parole est pesée, marketée, calibrée. C'est la légende du rock. C'est son essence, faite de sueur et de foutre. D'attitude. Ted Nugent est un vieux con, chasseur et fan de la NRA. N'empêche que même plus de 30 ans après sa sortie, Cat Scratch Fever est un monument. Jerry Lee Lewis est un vieux con méchant. Whole Lotta Shakin Goin' On, une des pierres angulaires du rock. Iggy, même assagi, restera toujours le vieil oncle sale qui montre sa bite et raconte des histoires salaces devant les enfants le soir de Noël. La liste est longue. 

    Le rock doit conserver son potentiel de nuisance. Continuer à faire un petit peu peur. Ne pas être un exemple pour la jeunesse. Ni pour la vieillesse d'ailleurs. Et faire chier. Agacer. Enerver. Choquer. Etre excessif. Bordélique. Faire saigner les esgourdes. Etre mal élevé, doigts dans le nez, majeur levé, mal coiffé. Pour nous rappeler qu'on est vivants. Et pas juste de braves petits soldats qui font où on leur dit de faire, dans un monde aseptisé fait de limiteurs de bruits, de législation anti-tout, de religieux hyper-sensibles de tous poils et plumes, de politiques prêts à tout pour plaire, de divertissement de masse et esprit festif obligatoire. 

    Hey Hey My My Rock'n'roll Will Never Die

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  • Merci pour le Chocolat

    Chocolat est un beau film. Familial. Avec tout ce qu'il faut d'humanité, de passion, de drame, d'humour. Du vécu avec des vrais gens, avec leurs fractures, leurs passé, leur rage de vivre et de s'en sortir. Destins croisés, destins tragiques de clowns oubliés. L'histoire est belle, la reconstitution signée. Le Paris de la Belle Epoque est reconstitué avec minutie. Omar est Chocolat, il est et reste Omar, ce géant doux au rire lumineux. On y croit. Le film de Roschdy Zem est aussi l'occasion de découvrir James Thierrée qui habite le rôle grave de Footit, le comparse, le mentor, l'inspirateur du duo.

    James Thierrée est magistral. Impossible d'occulter sa lignée fameuse. Etre le petit-fils de Chaplin, porter en soi une part de légende, lourde responsabilité. Impossible de ne pas trouver une ressemblance avec l'immense grand-père, dans le visage, dans la gestuelle. C'est le personnage passionnant du film, dans toute son ambiguïté. A-t-il été le bad guy de l'affaire, celui dont on acceptait comme une évidence, contexte de l'époque coloniale oblige, qu'il donne des coups de pied au cul de son sparring partner noir? Footit a-t-il fait Chocolat, le duo reposant sur les stéréotypes raciaux de l'époque? Chocolat aurait-il pu faire carrière sans Footit? Footit est l'ingrédient indispensable à l'histoire. il en est le metteur en scène. Il est l'incarnation absolue du clown blanc, tout en intériorisation. Torturé. Pas drôle dans la vie réelle.

    L'histoire du duo est belle, bien contée, tirée au cordeau. Le film est un subtil dosage d'humour et d'émotion. On est embarqué, c'est sa force. Alors on veut en savoir plus, on se plonge dans les Internets à la recherche de pistes, de récits, d'anecdotes complémentaires...

    On trouve quelques traces ça et , des indices. Qui amènent au-delà de l'histoire racontée dans le film. La carrière de Footit et Chocolat aurait duré une quinzaine d'années, le film est très elliptique sur le sujet, voire trop, et laisse l'impression d'un succès indéniable mais éphémère. Là où le film dérange, c'est dans son récit de l'après-cirque et de la tentative de Chocolat de faire carrière au théâtre. L'histoire est belle, mais semble s'éloigner de la vérité historique. Certes Chocolat voulut s'orienter vers le théâtre. Mais il semblerait qu'il n'ait décroché que de petits rôles sans réelle envergure. Loin du récit du film qui en fait le premier acteur noir à avoir incarné Othello sur une scène parisienne. C'est dommage. J'aurais aimé que cette scène dramatique fut avérée, car elle fait partie des moments d'intensité dramatique forts du film, les doutes de l'acteurs en son talent, l'interprétation parfaite et le rejet d'un public ouvertement raciste. Petit bémol, mais preuve qu'on adhère à une histoire quand elle est bien racontée... When the legend becomes fact, print the legend, c'est connu. 

    Ce bémol mis à part, Chocolat est un beau film de cinéma. C'est déjà ça. A voir, donc.

    Catégories : Ciné Lien permanent
  • Pony Pony Run Run à la Maro

    Je ne suis pas certain d'avoir déjà chroniqué Pony Pony Run Run icitte. On ne peut pas être partout. Ca c'est l'excuse poisseuse, paresseuse, du type qui n'a pas envie de se plonger dans les archives... Et quand bien même. Sur le fond, est-ce important, hein? Hier soir, face à la scène de la Maroquinerie, je me faisais la réflexion, pas si anodine, que je n'avais pas mis les pieds dans une salle de concert depuis facilement plusieurs mois. Peut-être même depuis fin septembre et le pot de départ de Fauve. Trop de taf, trop de tout, pas d'envies. Et puis le 13 novembre. Funeste. Moche. Insoutenable. Bref...

    Je découvre un nouveau titre de Pony Pony Run Run, il y a quelques semaines, un truc léger, un truc enjoué, un truc qui met un peu de lumière dans l'époque, l'air du temps étant fondamentalement anxiogène. Courbe du chômage, terreur à tous les étages, déchéance de nationalité, Johnny place de la République, Bowie qui tire sa révérence, Copé et Sarko qui se lancent en littérature, etc. L'horreur, l'horreur, comme le disait si justement avec un zeste de fatalisme, le bon Colonel Kurtz. Alors, un morceau qui s'intitule Alright, ne peut qu'être prometteur, et ouvrir de nouveaux horizons. Un truc à se réouvrir les chakras. Ca change. 

    Se retrouver dans une salle de concert, écouter du gros son, un bon groove, une rythmique impeccable, des guitares légères, des sons synthétiques moelleux, que demander de plus? Pony Pony Run Run revient. Dans la joie. Avec ce qu'il faut de fraicheur, d'enthousiasme pour laisser son corps fatigué vibrer, pour danser sur place d'un pied sur l'autre en un mouvement aussi gracieux qu'une légère surcharge pondérale le permet (autodérision hivernale post-fêtes de fin d'année). Bref, je shake mon booty, avec pudeur. Je sens la vibe, c'est magnifaïk, darling. Le public exulte. Moi z'aussi. 

    Le nouvel album du groupe sort en mars, ils reviennent sur scène au printemps, il y a de la tournée dans l'air. C'est cool, c'est bon, on en redemande. Dehors, le monde extérieur retourne au Moyen Age. On voile les statues, on s'offusque d'un sein dénudé, on vire le vin de table pour les mollahs ne point chokay. Ici on virevolte, on s'accorde ces minutes de fun, de plaisir, de danse, on boit une bière, on laisse le bon temps rouler. C'est bon. Et Pony Pony Run Run y est pour beaucoup ce soir. Merci les gars.

    J'émerge des profondeurs de la Maro, one more for the road, scooter dans le froid, les rues de Paname sont presque vides, passage devant le Bataclan, c'était sur le chemin, petit choc nocturne, coucher.

    Pony Pony Run Run, nouvel album "Voyage, voyage", dans les bacs le 4 mars 

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