Deux monuments...
La petite libellule (in "Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas mais... elle cause" - Michel Audiard - 1970)...
Et... "Où est ma chemise grise?"
Enjoy!
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Deux monuments...
La petite libellule (in "Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas mais... elle cause" - Michel Audiard - 1970)...
Et... "Où est ma chemise grise?"
Enjoy!
Les mains glissent sur le manche de la Fender Telecaster. Une Fender au corps noir, brillant. Les doigts caressent les cordes. Un tabouret, haut. Deux lampes d'appartement diffusent une lumière discrète. Tapis de salon au sol, un de ces tapis élimés à motifs persans qui font le décor d'un chez soi. Mais on n'est pas chez soi. L'ampli derrière un paravent bas, dont on devine qu'il est là pour éviter les larsens. Un micro, d'enregistrement, derrière son filtre rond. Un pupitre haut. Une liasse de feuilles, paroles. Et sous le casque noir, une masse de cheveux longs, d'un noir tirant vers le gris. Une silhouette longue, à moitié assise sur ce tabouret de bar. Jean-Louis Murat. Studio Davout. Hier soir.
Moment privilégié. Pas le cours ordinaire des choses pour le chroniqueur. Un artiste livre l'intégralité de son dernier album devant un public restreint volontairement. Seul à la guitare. Guitare-voix, une formule pure, avec juste ce qu'il faut d'écho pour une atmosphère d'église. Les 11 chansons de l'album. Enregistré à Nashville, Tennessee, "Le cours ordinaire des choses". Murat c'est le texte. L'évocation poétique. L'allusion. Le cryptique. C'est le culte d'un mec discret. Qui se plie à l'exercice promotionnel, parce que la musique, c'est un business. Mais peut-on, doit-on parler business, quand on est embarqué dans un moment de grâce pure.
L'artiste dans le studio. Derrière la vitre, Aymeric, ingénieur du son, le complice. Celui dont Jean-Louis Murat dira en fin de rencontre qu'il lui doit tout, qu'il est son double. Le seul dont il accepte qu'il l'arrête quand la voix n'est pas juste, l'enregistrement pas parfait. Il y a dans ses mots une forme de tendresse. Tendresse et passion lorsqu'il évoque l'expérience de Nashville. Pour beaucoup, Nashville, c'est la country. Nashville c'est la musique, dans ce qu'elle a de séminal et de si américaine. Les musiciens ont migré de New York vers le Tennessee, après le 11 septembre. Pour retrouver les racines. Le studio des origines. Les magnétos à bande. Une forme d'authenticité, loin des bidouillages numériques. Protool n'est pas bienvenu. L'accordeur non plus. Le musicien a l'oreille absolue. Est hyper-pro. Passe ses journées en studio. Ses nuits dans les clubs. Jouer, toujours jouer. Progresser. Etre au top, toujours. Car Nashville, c'est l'Amérique, dans son perfectionnisme et sa dureté. Si tu n'es pas là, un autre prendra ta place. If you snooze, you lose. C'est la règle.
Un français à Nashville. Un musicien, qui rencontre d'autres musiciens. Des mecs qui te glissent au détour d'une conversation qu'ils ont joué avec Neil Young, un name-dropping sans frime. Qui pigent tout à la première écoute de tes démos. Qui te proposent, parce qu'ils ont un moment libre dans leur agenda du lendemain, de revenir faire une partie de guitare, une ligne de basse. Comme ça, just in case. Pour améliorer le résultat final. Deux prises maximum par instrument. Au studio Ocean Way. Ancienne église, dont l'ancien taulier, un pasteur frappadingue avait gardé, son épouse décédée dans un congélateur, au sous-sol. Que sa nouvelle épouse avait débranché. Murat se marre en racontant l'anecdote.
Onze morceaux joués ce soir, nus. Onze morceau enregistrés dans cette atmosphère d'ancienne église. habillés de slide guitar, de claviers, de cordes, pour un son moelleux. Habillant des textes où Murat laisse libre-cours à son interprétation poétique de la vie, du sexe et de la mort, des femmes. Le cours ordinaire des choses me va comme un incendie... Le mantra, titre de l'album. Me va comme un incendie. Brûler d'un feu intérieur. Cramé par la vie. Une vie d'amours recommencés, Falling in Love again. D'errances, chanter est ma façon d'errer. De sexe, la tige d'or dans son glacier. La terre, ses espaces, sainte Taïga. Quelques femmes, caricatures. Dont une Philomène, impro, pas sur l'album. Mots de douceur, mots violents. Les exégètes se pencheront sur le sens profond des mots. Chercheront les codes. Chercheront le sens au regard des opus passés, de la construction de l'oeuvre. La magie des mots, portés par la musique. On se laisse emporter par la musique des mots, par la mélopée. Par un élan de guitare énervée.
Je connaissais peu Jean-Louis Murat, au travers de quelques morceaux glanés ça et là, au fil du temps. J'ai découvert un artisan des mots. Au sens noble de l'artisanat, aux antipodes de la musique industriellement mise en place dans les linéaires des centres commerciaux, du Protool shit dont parlent les musiciens de Nashville. Un artisan sans triche, sans frime. Avec l'attitude, pas la posture. Un type qui suit sa ligne. A la hauteur des grands. D'un Neil Young, d'un Leonard Cohen. D'un Dylan, qui sait. D'un Johnny Cash, période American Recordings.
L'album sort le 21 septembre. Il est beau.
Enjoy!
Hommage rapide à un grand monsieur, Christian Poveda, photographe, réalisateur. Descendu au Salvador cette semaine. Spécialiste des Maras, ces gangs de rues, ces desperados délinquants portant leur désespoir sur leurs visages tatoués. Tatouages définitifs. Identifiables à l'infini. Il avait sû gagner leur confiance. Se faire accepter. Il les avait photographiés, filmés. Son film, La Vida Loca, devait sortir le 30 septembre. Il les a approchés de près. Il s'était installé au Salvador. Au milieu des tarés, prêts à flinguer pour un oui, pour un non. Pour des histoires de dope, pour des histoires de territoire. Pour des prétextes aussi absurdes. Les Maras, gang, secte, religion des sans espoir. Des désocialisés qui dans une Amérique du Sud déliquescente, déclassés, victimes d'une fracture sociale totale, choisissent La Vida Loca, la vie dingue, la vie au bout du flingue. Christian, "Popo" pour ses potes, nous avions eu une discussion, une fois, lors d'une fête, organisée par mon pote Patrick "The Rhythm", sur le journalisme, la photo. Passionnante. Un vrai mec, une figure emblématique d'un journalisme couillu, d'un journalisme de terrain. Je le connaissais mal, mais ses photos parlent pour lui. Avoir acquis le respect des bêtes sauvages. Avoir vécu parmi elles. Respect absolu. J'en chiale comme un con.
Hasta la vista, Hombre!
Le chroniqueur est épuisé. Les jambes tétanisées. Car s'il faut retenir une chose de trois jours de festival, c'est la marche à pieds. On marche pour arriver sur place. On marche dans l'enceinte du festival, entre les scènes. On marche pour rentrer chez soi, jusqu'aux arrêts de bus ou à la station de métro. Marcher. Des kilomètres. Dans la poussière.
Autre souvenir immédiat de l'édition 2009, la poussière, celle qui jonche le champs. Celle que soulèvent les milliers de fans qui pogotent pendant la performance d'Offspring... Poussière avalée par seaux entiers...