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Victor Hugo, slam et politique...

medium_Victor_Hugo.jpgIl y a des siècles, Victor Hugo (ricanements du lecteur, toussotements gênés de la salle, baillements et regards un peu absents...) écrivait Ruy Blas. En 1838 pour être précis. Une tirade légendaire a traversé le temps... Chacun en tirera l'interprétation qu'il veut... On dirait presque du Nicolas Baverez ou du Jean-François Kahn... Hugo était un politique, la politique a dans le fond peu changé...

"Bon appétit, messieurs ! – Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !"
 
Au fait, notez le rythme de l'alexandrin! Le Père Victor nous jouait les Grand Corps Malade il y a plus de 150 ans!!!
Respect! 
Texte intégral:
 
Bon appétit, messieurs ! – Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
– Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur,
Tout s’en va. – Nous avons, depuis Philippe Quatre,
Perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre ;
En Alsace Brisach, Steinfort en Luxembourg ;
Et toute la Comté jusqu’au dernier faubourg ;
Le Roussillon, Ormuz, Goa, cinq mille lieues
De côte et Fernambouc, et les Montagnes Bleues !
Mais voyez. – Du ponant jusques à l’orient,
L’Europe qui vous hait, vous regarde en riant.
Comme si votre roi n’était plus qu’un fantôme,
La Hollande et l’Anglais partagent ce royaume ;
Rome vous trompe ; il faut ne risquer qu’à demi
Une armée en Piémont, quoique pays ami ;
La Savoie et son duc sont pleins de précipices.
La France pour vous prendre attend des jours propices.
L’Autriche aussi vous guette. Et l’infant bavarois
Se meurt, vous le savez. – Quant à vos vice-rois,
Médina, fou d’amour, emplit Naples d’esclandres,
Vaudémont vend Milan, Legañez perd les Flandres.
Quel remède à cela ? – L’État est indigent,
L’État est épuisé de troupes et d’argent ;
Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères.
Et vous osez !... – Messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, – j’en ai fait le compte, et c’est ainsi ! –
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu’on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d’or !
Et ce n’est pas assez ! et vous voulez, mes maîtres !… –
Ah ! j’ai honte pour vous ! – Au-dedans, routiers, reîtres,
Vont battant le pays et brûlant la moisson.
L’escopette est braquée au coin de tout buisson.
Comme si c’était peu de la guerre des princes,
Guerre entre les couvents, guerre entre les provinces,
Tous voulant dévorer leur voisin éperdu,
Morsures d’affamés sur un vaisseau perdu !
Notre église en ruine est pleine de couleuvres ;
L’herbe y croît. Quant aux grands, des aïeux, mais pas d’œuvres.
Tout se fait par intrigue et rien par loyauté.
L’Espagne est un égout où vient l’impureté
De toute nation. – Tout seigneur à ses gages
A cent coupe-jarrets qui parlent cent langages.
Génois, Sardes, Flamands. Babel est dans Madrid.
L’alguazil, dur au pauvre, au riche s’attendrit.
La nuit on assassine, et chacun crie : À l’aide !
– Hier on m’a volé, moi, près du pont de Tolède ! –
La moitié de Madrid pille l’autre moitié.
Tous les juges vendus. Pas un soldat payé.
Anciens vainqueurs du monde, Espagnols que nous sommes.
Quelle armée avons-nous ? À peine six mille hommes,
Qui vont pieds nus. Des gueux, des juifs, des montagnards,
S’habillant d’une loque et s’armant de poignards.
Aussi d’un régiment toute bande se double.
Sitôt que la nuit tombe, il est une heure trouble
Où le soldat douteux se transforme en larron.
Matalobos a plus de troupes qu’un baron.
Un voleur fait chez lui la guerre au roi d’Espagne.
Hélas ! les paysans qui sont dans la campagne
Insultent en passant la voiture du roi.
Et lui, votre seigneur, plein de deuil et d’effroi,
Seul, dans l’Escurial, avec les morts qu’il foule,
Courbe son front pensif sur qui l’empire croule !
– Voilà ! – L’Europe, hélas ! écrase du talon
Ce pays qui fut pourpre et n’est plus que haillon.
L’État s’est ruiné dans ce siècle funeste,
Et vous vous disputez à qui prendra le reste !
Ce grand peuple espagnol aux membres énervés,
Qui s’est couché dans l’ombre et sur qui vous vivez,
Expire dans cet antre où son sort se termine,
Triste comme un lion mangé par la vermine !
– Charles Quint, dans ces temps d’opprobre et de terreur,
Que fais-tu dans ta tombe, ô puissant empereur ?
Oh ! lève-toi ! viens voir ! – Les bons font place aux pires.
Ce royaume effrayant, fait d’un amas d’empires,
Penche... Il nous faut ton bras ! au secours, Charles Quint
Car l’Espagne se meurt, car l’Espagne s’éteint !
Ton globe, qui brillait dans ta droite profonde,
Soleil éblouissant qui faisait croire au monde
Que le jour désormais se levait à Madrid,
Maintenant, astre mort, dans l’ombre s’amoindrit,
Lune aux trois quarts rongée et qui décroît encore,
Et que d’un autre peuple effacera l’aurore !
Hélas ! ton héritage est en proie aux vendeurs.
Tes rayons, ils en font des piastres ! Tes splendeurs,
On les souille ! Ô géant ! se peut-il que tu dormes ? –
On vend ton sceptre au poids ! un tas de nains difformes
Se taillent des pourpoints dans ton manteau de roi ;
Et l’aigle impérial, qui, jadis, sous ta loi,
Couvrait le monde entier de tonnerre et de flamme,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans leur marmite infâme !

Victor Hugo, Ruy Blas, III, 2.

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Commentaires

  • Dans Ruy Blas, Victor Hugo associe avec force l'amour et la politique.

    Ca ne vous rappelle rien?

    Le héros de ce drame romantique, Ruy Blas, déploie son intelligence et son éloquence tant pour dénoncer et humilier une oligarchie accapareuse des biens de l'État que pour se montrer digne d'aimer la reine d'Espagne.

    J'écris bien hein? On me la soufflé.

    Mais cette voix du peuple, éclairée par l'amour, est otage d'une livrée de valet et d'un maître attaché à perdre la reine en lui donnant « son laquais pour amant ».

    Je répète?

    Victor Hugo présente ici à son public un drame où le Mal force le Bien à le servir et où le grotesque se fait l'allié de la tragédie.

    Quelle actualité en effet!

    Quelle bravitude!

    Quelle couragation!

    Quelle audacité!

  • imbécile !!!
    yo,respect,le père hugo
    fait dla peine!
    va te cacher !

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