Je me suis résolu à acheter France Soir, il y a deux semaines. Histoire de voir. Passons sur le relancement financé par un fils d'oligarque russe. On n'entend rien, à part Marianne. Que n'aurait-on pas ouï si, je ne sais, tiens, Rupert Murdoch par exemple, avait racheté ledit canard boiteux... Mais le Rupert est plus malin que ça, il vit avec son temps, lui. Il a un pied dans le web. Un grand pied.
L'histoire récente de France Soir me fait penser à cette phrase de Marshall McLuhan: "We drive into the future using our rear view mirror. The past went that-a-way. When faced with a totally new situation, we tend always to attach ourselves to the objects, to the flavor of the most recent past. We look at the present through a rear view mirror. We march backwards into the future." Le relancement de France Soir est la parfaite illustration de cette nostalgie castratrice d'un temps où ça allait mieux. Les Trente Glorieuses. L'avant premier choc pétrolier. Une ère idéalisée. Le choix des contributeurs au titre n'est pas innocent. Gérard Carreyrou (né en 1942), Patrick Poivre d'Arvor (né en 1947), Bernard Debré (né en 1944), Laurent Cabrol (né en 1947), Guy Savoy (né en 1953) De bons vieux baby-boomers.
Le ton général est anxiogène à souhait. En Une: "Le scandale caché des vols à la portière". Pages 2 & 3: "Rien n'arrête les voleurs à la portière". Encadré: "Maintenant, j'ai peur". Pages 8 & 9: "Au printemps, protégez-vous des pollens". Haut de colonne page 9: "Un apéro géant qui inquiète". Pages 10, 11 & 12: Faits divers en vrac. Corps calciné et démembré, attaque à l'explosif, policier tué, bébé de 6 mois tué... Page 13: Régions - "La "maladie du rat" menace Marseille". Roger Gicquel est mort il y a peu. Dommage. Il eût fait un parfait contributeur, dans la veine "La France a peur".
Pour se rassurer, la France se tourne vers son passé. Double page (pages 40 & 41) sur l'Ecole des Fans (Emission lancée en 1976, et relancée en 2009).
Quel peut être l'avenir de France Soir? A la différence de ses confrères de la presse quotidienne française désargentés par tradition ascétique, France Soir semble avoir de la trésorerie. Les poches pougatchéviennes semblent profondes. Avoir de la trésorerie ne résout pas la problématique du contenu. Pourquoi payer pour un contenu que délivre Jean-Pierre Pernaud gratuitement chaque jour à 13h00? Certes, 0,50€, c'est moins cher que Le Parisien, Le Monde ou Le Figaro. Paye-t-on pour du trash? Il semblerait aux dernières nouvelles que la titre ait atteint lors de sa première semaine une moyenne de diffusion 100 000 exemplaires. Il faut voir dans la durée. Même si fondamentalement, j'ai un doute.
Un doute né d'une observation. Aux Etats-Unis, les marques emblématiques de l'empire s'effondrent. General Motors par exemple. Les journaux disparaissent. Les compagnies aériennes. Qui se souvient de Pan Am, dont le logo trônait au coeur de Manhattan, en haut d'un building? La mort des symboles est une éventualité. Pendant ce temps d'autre symboles sont apparus, comme, Microsoft, Apple, Google, Yahoo. Certaines de ces marques mondiales ont moins de 10 ans. En France, on tente de faire revivre des marques du passé. En même temps, on s'interroge sur l'identité nationale, on vit dans la peur de l'avenir, du monde extérieur, de l'étranger. Signes d'un pays qui se referme sur lui-même? Qui se meurt tranquillement?
Je ne suis pas très à l'aise avec cette France-là.
Enjoy!
Commentaires
salut Antoine,
tout-à-fait d'acccord avec toi: on est en train de revivre les années 30. Et on sait comment ça a fini...
@pascal: ouaip. Pas terrible comme ambiance. :/